La réalité des faits démontre les limites des appels à la consommation raisonnée. Or plus nous consommons d'antibiotiques et plus les bactéries résistent. Cela n'avait pas beaucoup d'importance tant que nous disposions de façon régulière de nouveaux médicaments toujours plus efficaces et plus puissants.
Malheureusement, il n'y a plus de nouveaux antibiotiques. Ceux dont nous disposons sont devenus une ressource littéralement limitée, que nous devonsutiliser avec parcimonie. Ce sont nos dernières cartouches tandis que la consommation excessive d'antibiotiques génère des bactéries toujours plus résistantes.
La dernière alerte a été chaude en Allemagne et en France avec l'intoxication alimentaire massive due à la contamination de graines à germer par une souche de colibacille, à la fois très pathogène et très résistante aux antibiotiques.
Au rythme actuel, nous devrons bientôt nous priver de certains progrès de la médecine, comme les greffes ou certaines chimiothérapies, car nous n'aurons plus d'antibiotiques pour empêcher de mourir d'infection les patients qui en bénéficient et qui sont transitoirement très fragiles.
En médecine humaine, le professionnel qui prescrit des antibiotiques, souvent à la demande pressante des patients, cède à la facilité. Dans les élevages, la surconsommation d'antibiotiques compense un sous-investissement dans l'hygiène de la ferme, dans l'équilibre alimentaire et dans le bien-être animal.
Elle est encouragée par une pratique commerciale perverse. Ceux qui prescrivent le plus d'antibiotiques gagnent plus. En dépit de sa surconsommation d'antibiotiques, l'élevage français réussit moins que l'élevage allemand, qui en consomme beaucoup moins.
Il est urgent d'obtenir une réduction de l'utilisation des antibiotiques quand elle n'est pas indispensable. Il s'agit, par exemple, en médecine humaine, de faire justifier par les médecins la prescription d'antibiotiques et de restreindre aux services hospitaliers spécialisés la prescription des nouvelles générations d'antibiotiques afin de retarder l'apparition de nouvelles antibiorésistances.
En médecine animale, mettre fin au conflit d'intérêts des vétérinaires en séparant la prescription des antibiotiques de leur délivrance devrait réduire de moitié (100 millions d'euros) la consommation, comme cela a été le cas en Suède ou au Danemark.
Il faut éviter de mettre en difficulté les vétérinaires et les éleveurs, en prévoyant des mesures d'accompagnement pour rendre acceptable une politique volontariste. Ce sont ces mesures d'accompagnement qui devraient faire l'objet d'un plan antibiotique gouvernemental. Or le plan du ministère de l'agriculture a un objectif dilatoire, visant à ne pas bousculer les équilibres entre éleveurs, vétérinaires, grands groupes intégrés de production de viande et des laboratoires.
Au regard des risques encourus par la société, il n'est plus temps d'espérer des changements spontanés de comportement. Il faut amener les patients, les médecins, les éleveurs et les vétérinaires à respecter les impératifs de santé publique, urgents à mettre en oeuvre.
Le consensus existe pour évaluer les dangers croissants de l'antibiorésistance : en Europe, quelque 25 000 décès sont attribués chaque année à des germes devenus résistants aux antibiotiques. Ces derniers jours, une nouvelle alerte a été lancée à propos de la salmonelle Kentucky, qui devient résistante aux antibiotiques de dernier recours...
Le temps presse pour qu'agissent enfin les décideurs politiques !
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