Une infimière de Liliane Bettencourt aurait affirmé à la greffière de la juge Isabelle Prévost-Desprez avoir «vu des remises d'espèces à Sarkozy» en 2007. L'Élysée dément et dénonce des «boules puantes».
Le volet politique de l'affaire Bettencourt va-t-il être relancé ? Libération fait aujourd'hui sa Une sur les révélations de la juge Isabelle Prévost-Desprez,anciennement à la tête de l'affaire.
Cette dernière affirme dans un livre à paraître jeudi qu'une témoin aurait vu Nicolas Sarkozy se faire remettre d'importantes sommes d'argent en espèce lors de sa campagne présidentielle de 2007.
«L'infimière de Liliane Bettencourt a confié à ma greffière, après son audition par moi : 'j'ai vu des remises d'espèces à Sarkozy, mais je ne pouvais pas le dire sur procès-verbal'», explique la juge aux journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme pour leur ouvrage «Sarko m'a tuer».
Isabelle Prévost-Desprez se dit également «frappée par la peur des témoins» dans cette affaire, qui craignaient de «parler sur procès-verbal à propos de Sarkozy».
La remise d'espèce à des personnalités politiques avait été évoquée sur PV puis publiquement par Claire Thibout, la comptable de la milliardaire, l'an passé.
«Beaucoup de personnes politiques ont reçu de l'argent. Je ne serai pas exhautive et ne veux pas faire de la délation», déclarait-elle aux enquêteurs.
La comptable avait par la suite déclaré qu'elle n'avait «jamais dit que des enveloppes étaient remises régulièrement à M. Sarkozy.»
L'Élysée dénonce des «boules puantes»
Du côté de l'Élysée, on dément fermement les informations de la juge Prévost-Desprez, qui a été déchargée de l'affaire Bettencourt à l'automne 2010 à cause de ses relations haineuses avec le procureur de Nanterre, Philippe Courroye.
«Ce sont des allégations scandaleuses, infondées et mensongères», affirme-t-on. Un proche de Nicolas Sarkozy dénonce des «boules puantes».
«Si cette infirmière dit vrai, alors la justice se devait d'ouvrir une enquête. La magistrate avait le devoir de ne pas garder cette information pour elle», explique-t-il à Libération.
«Et là, comme par hasard, l'accusation ressort un an et demi après les faits. Qu'est-ce-que cela veut dire ? C'est une atteinte grave à la déontologie de magistrat.»
Les proches d'Isabelle Prévost-Desprez s'attendent à des poursuites disciplinaires à l'égard de la juge, qui avait demandé à relire ses déclarations avant leur publication dans le livre des journalistes du Monde.
«C'est donc une accusation grave, précise et réfléchie qu'elle porte contre Nicolas Sarkozy», écrit Libération.
Le parquet de Bordeaux, désormais en charge de l'affaire Bettencourt, pourrait décider d'entendre Isabelle Prévost-Desprez, sa greffière, et l'infimière de la milliardaire.
«Mais rien ne serait encore prouvé au plan pénal», explique Libération. «Ce serait parole contre parole. Celle d'une infimière, relayée par une greffière et une magistrate, contre celle du chef de l'État et de ses conseils.»
Les faxs entre la brigade financière et le parquet de Nanterre
Claire Thibout, la comptable de Liliane Bettencourt, s'est également exprimée dans le livre «Sarko m'a tuer».
Peu après la publication de ces révélations par Mediapart, la comptable reçoit la visite de la brigade financière alors qu'elle était partie se réfugier chez ses cousins dans le Gard.
«Ils m'ont fait peur, ils étaient quatre hommes et une femme et ont surgi par la cuisine plutôt que par l'entrée principale. Ils ont dit à mes cousins de «dégager», puis m'ont lancé : «Vous savez pourquoi on vient.» [...] Les policiers voulaient me faire dire que Mediapart était un journal de voyous.»
La comptable leur déclare que Sarkozy «pourrait avoir touché de l'argent, car, comme je l'ai toujours dit, je n'avais pas été témoin direct d'une remise en espèces à un politique.»
Mais selon Claire Thibout, les policiers attendaient d'elle qu'elle retire toutes ses déclarations à propos de Nicolas Sarkozy.
Les policiers «subissaient eux-mêmes une incroyable pression. A chaque feuillet tapé, l'un des quatre policiers faxait le PV à sa hiérarchie et au parquet de Nanterre, qui rappelait pour faire changer tel ou tel mot», explique Claire Thibout.
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