Les responsables des associations cultuelles n'ont certes pas claqué la porte, mais les négociations visant à transformer une ancienne caserne de sapeurs-pompiers en mosquée pour les musulmans des quartiers nord de Paris virent au casse-tête pour les représentants de l'État.
Alors que les fidèles célébraient mardi la fête de l'Aïd-el-Fitr marquant la fin du ramadan, les chefs religieux étaient une nouvelle fois en discret conciliabule dans l'après-midi.
Objectif: trouver coûte que coûte, comme le résume benoîtement l'un des protagonistes, «une ébauche de début de solution » afin que les nombreux fidèles qui occupaient la voie publique dans le quartier de Barbès à l'occasion des grandes prières du vendredi après-midi migrent vers un lieu de culte digne de ce nom.
Série de doléances
Autour de la table, se trouvaient notamment le cheikh Salah Hamza, imam de la mosquée de rue Myrha dans le XVIIIe arrondissement, son homologue Moussa Niambélé, l'imam de la salle de prières Al-Fath installée rue Polonceau et le grand recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur.
Censé endosser le difficile rôle de médiateur, ce dernier se livre ses jours-ci à un véritable numéro d'équilibriste florentin.
Tenaillé par les desiderata des chefs religieux, il doit composer avec le calendrier serré des pouvoirs publics, pour qui les jours sont comptés d'ici au 15 septembre prochain.
Au-delà de cette date butoir en effet, comme l'a rappelé le Conseil d'État, la loi de 1905 sur la séparation entre l'Église et l'État devra être strictement observée.
«Les prières de rue, c'est quelque chose qui n'est pas acceptable, directement attentatoire au principe de la laïcité, et il faudra que ça cesse», a martelé début août Claude Guéant.
Depuis des semaines, la Préfecture de police s'était mise en quête d'un lieu d'accueil idoine. Évoquant la caserne désaffectée depuis quatre ans à la porte de Clignancourt, le ministre de l'Intérieur avait alors précisé:
«Il est convenu que le 16 septembre, ces locaux entreront en service.»
Cela était sans compter avec une série de doléances émises par l'imam des pratiquants maghrébins de la mosquée Khalid Ibn Walid de la rue Myrha et celui des adeptes de confréries africaines Tijâniyya ou Mourides, qui fréquentent la rue Polonceau.
Au nom de la sacralité du futur lieu de culte, ces derniers, qui bénéficient de deux salles d'une superficie respective de 1.200 et 800 m2 et pouvant accueillir 2.700 fidèles, souhaitent en fait un seul lieu de culte pour la prière du vendredi, comme l'exigent les règles de l'islam.
Pour éviter les tensions, un imam «neutre», désigné par la Grande Mosquée de Paris, pourrait diriger la prière. Les musulmans de Barbès demandent aussi la création d'un lieu séparé pour l'ablution, mais aussi pour la prière des femmes.
L'idée de créer un poste de gardien a aussi été évoquée afin de protéger ces dernières d'éventuels troubles émanant du foyer des sans-abri situé à côté.
«Les fidèles qui viennent en voiture veulent aussi des places de parking, précise Dalil Boubakeur. Ils entendent par ailleurs qu'un effort soit consenti en matière de chauffage en hiver car, rappelons-le, il ne s'agit plus de mettre des camions dans cet ancien garage désaffecté mais des êtres humains dans un lieu normalisé…»
Un loyer jugé trop élevé
En outre, l'imam Moussa Niambélé juge aussi « élevé » le loyer de 10.000 euros par an pour une occupation des lieux uniquement le vendredi.
Outre une facture plus légère et une utilisation des lieux sept jours sur sept, les chefs religieux veulent obtenir des autorités l'«assurance écrite » de pouvoir reloger leurs fidèles dans un nouveau lieu de culte dans Paris intra-muros à l'issue de ce bail transitoire qui devrait prendre fin en 2013.
D'ici là, l'Institut des cultures d'islam devrait offrir dans le quartier de la Goutte d'Or quelque 2.500 places supplémentaires aux fidèles.
«Nous voulons trouver un accord dans les quatre ou cinq jours prochains, à l'occasion d'une ultime réunion à la Préfecture de police, confiait mardi au Figaro Dalil Boubakeur.
Chacun a intérêt à ce que les tractations aboutissent car, pour 50.000 raisons, les prières ne peuvent, ni ne doivent plus être dans la rue.» Faute d'accord, ce serait en effet à la police de faire respecter l'ordre républicain.