Seuls ceux qui adhèrent à la propagande officielle restent persuadés que la situation militaire s'améliore en Afghanistan, parce que les forces américaines portent des coups de boutoir au sud et désormais à l'est du pays.
L'institution militaire américaine semble encore croire qu'il est possible de modifier le rapport de forces pour négocier en meilleure position.
Dans les faits, le périmètre où des voyageurs peuvent se déplacer par la route s'est singulièrement rétréci depuis ce printemps. Le récent départ du premier contingent américain suivi par l'annonce d'autres, en 2012, a suscité comme un vent de retrait, dont l'impact psychologique est sensible.
Cela concourt à détériorer un climat politique déjà délétère au lendemain de l'important scandale des détournements de fonds à la Kabul Bank "les propres dirigeants de la banque s'étaient accordé des prêts très importants sans les rembourser. Près de 580 millions de dollars - 407 millions d'euros ont ainsi été soustraits à la banque ce qui, avec les intérêts, représente un encours de près de 1 milliard de dollars" et d'un Parlement en crise ouverte.
Des assassinats de personnalités de premier plan du régime d'Hamid Karzaï se sont ajoutés à une opération suicide bien organisée dans la capitale.
En province, les hommes-clés sur lesquels s'appuie le régime, comme à Kandahar ou dans la province d'Uruzgan sont des cibles toutes désignées pour les talibans. Ces derniers exercent une pression croissante dans l'ensemble de l'est du pays, puis va de la province du Kunar au nord de Kaboul jusqu'au Paktika et à Zaboul, au sud. Nombre de provinces en zone rurales sont dominées par des insurgés et ce contrôle est d'abord administratif.
A force de diaboliser les talibans, on finit par ne plus comprendre qu'en zone rurale ce sont eux qui rendent une justice sans délai, selon des normes familières aux populations concernées. En d'autres termes, en région pachtoune, pour l'essentiel, en dehors des capitales provinciales et de certains districts, le pays est tenu par les talibans. Cette avancée politique et militaire est palpable.
Prétendre que les objectifs désignés par la nouvelle stratégie américaine sont en voie d'être atteints tient du voeu pieux et quelques succès tactiques ne modifieront plus le cours d'un conflit dont l'issue était déjà jouée avant l'arrivée des généraux McCrystal et Petraeus. Certains retards ne se rattrapent pas, dans le cadre des règles qui sont les nôtres.
Les initiatives occidentales visant à amorcer sérieusement les négociations auraient intérêt à voir le jour sans tarder. Le temps des grandes manoeuvres politiques s'amorce.
Déjà, la diplomatie turque prépare, pour le mois de novembre, une conférence des chefs d'Etat concernés.
Les talibans ne disposent pas des moyens militaires leur permettant de menacer les villes autrement que par des attentats. L'armée nationale afghane, dans les conditions présentes, est en mesure de tenir les centres urbains. A l'arrière-plan, le Pakistan, qui est l'épicentre de la crise, en soutenant les talibans prétend se prémunir contre son adversaire constitutif, l'Inde.
De son côté, ce pays cherche à freiner le processus de négociations en s'appuyant sur tous ceux qui, en Afghanistan, craignent ses conséquences. L'une d'elles, qu'on le veuille ou non, étant, dans une large mesure, un retour à l'hégémonie pachtoune.
Quelle que soit l'insistance des Pakistanais et des talibans, ils ne disposent pas des moyens d'imposer un retrait total des Américains.
Comme, probablement, en Irak, à la fin de cette année, à la demande du chef d'Etat irakien, on aboutira sans doute au maintien dans des bases d'une force américaine résiduelle permettant, par sa simple présence, d'exercer, durant une période cruciale, un rôle non négligeable dans le destin incertain de l'Afghanistan.
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