vendredi 2 septembre 2011

Le Qatar tire son épingle du jeu libyen

                                                                                         



Petite pétromonarchie du Golfe, coincée entre les deux géants saoudien et iranien, le Qatar a su tirer son épingle du jeu dans la crise libyenne pour s'imposer comme un acteur incontournable sur la scène régionale et internationale. 
Outre son implication diplomatique, le Qatar a été le seul Etat arabe, avec les Emirats arabes unis, à participer à l'intervention militaire au sein de la coalition internationale coordonnée par l'OTAN
Un investissement moindre au regard des capacités déployées par les membres de l'OTAN, mais qui, sur le plan symbolique, s'est avéré au moins aussi déterminant.
Le pari semble réussi pour ce petit Etat de quelque 12 000 m2, abritant 1,5 million d'habitants dont seulement 200 000 nationaux, surtout connu pour ses réserves gazières les troisièmes plus importantes au monde, ses fonds d'investissements, sa chaîne Al-Jazira ou encore l'organisation de la Coupe du monde de football en 2022
La réunion de Paris du 1er septembre sera l'occasion d'entériner le succès du positionnement qatari en Libye et de conforter son statut de puissance arabe émergente.
L'EXCEPTION LIBYENNE
"L'engagement du Qatar en Libye est cohérent avec sa politique étrangère qui consiste à promouvoir le pays hors de ses frontières géographiques pour être plus actif sur la scène internationale et y occuper une place de choix", analyse Ibrahim Sharqieh, directeur adjoint du Centre Brookings basé à Doha, la capitale qatarie. 
Depuis son arrivée au pouvoir en 1995, l'émir du Qatar, le cheikh Hamed Ben Khalifa Al-Thani, a eu à cœur de développer une diplomatie active dans la région pour compenser les faiblesses structurelles du pays.
Toutefois, poursuit M. Sharqieh"par le passé, le Qatar s'est davantage illustré par un rôle de médiation, comme au Liban, en Palestine, au Darfour ou au Yémen"
Une implication qui s'est doublée d'une politique d'équilibre parfois taxée d'ambivalence, notamment dans le cas palestinien où il a, à la fois, maintenu des liens avec les mouvements palestiniens les plus radicaux et accueilli une représentation diplomatique israélienne.
Au cours du printemps arabe, le Qatar a semblé maintenir ce jeu d'équilibriste.
"Dans les autres révoltes, il a conservé une certaine neutralité si l'on s'en tient aux déclarations officielles, notamment celles du ministre des affaires étrangères, discrètes dans les cas égyptien et tunisien", explique Barah Mikaïl, directeur de recherche Afrique du Nord et Moyen-Orient à la FRIDE, un think tank européen basé à Madrid
Et même si "le Qatar n'en pensait pas moins, au niveau diplomatique, il a souvent fait le choix de la médiation en invitant l'ensemble des protagonistes à venir négocier, sur son territoire, une sortie de crise", poursuit-il. 
Comme dans le cas du Yémen notamment, où le royaume a participé à la médiation initiée par le Conseil de coopération du Golfe, dont il est membre depuis sa création en 1981
Dans d'autres cas, comme en Syrie, il a choisi la prudence, à l'instar du reste de la communauté internationale.
UN TOURNANT DIPLOMATIQUE
"Depuis ce soulèvement, cela a changé : il est ici question de soutenir une partie contre une autre". Et, le Qatar a rapidement choisi son camp en se faisant le promoteur auprès des pays de la Ligue arabe de la résolution 1973 des Nations unies autorisant l'intervention étrangère, votée le 17 mars, et en reconnaissant, le 28 mars, le Conseil national de transition, organe politique de la rébellion libyenne.
"L'implication du Qatar a permis l'intervention, en lui donnant une légitimité qui avait fait défaut, par exemple, dans l'intervention en Irak", commente M. Sharqieh.
"Le Qatar a, cette fois, pris un risque, mais c'est un risque calculé", renchérit Ibrahim Sharqieh. Selon lui, le calcul était simple au regard des chances élevées devoir réussir la révolution et du risque humanitaire, considérant que Kadhafi était "prêt à raser Benghazi"
Pour Barah Mikaïl"les événements tunisien et égyptien ont indiqué la voie du changement engagé au sein du monde arabe, ce que le Qatar a très bien compris et a voulu montrer sa participation à ces changements positifs".
Il demeure que "le Qatar a finalement accentué ou fait valoir un tournant dans son positionnement diplomatique, au travers de sa participation à des opérations militaires et en optant pour une telle démarche dans un pays arabe", poursuit M. Mikaïl. 
Le Qatar a mis à disposition cinq des douze avions militaires, de type Mirage 2000, dont il dispose. Outre sa participation active à des opérations humanitaires,"il y a de fortes chances que le Qatar soit allé jusqu'à participer aux bombardements", estime le chercheur. 
Et, ajoute-t-il, "sans parler d'intervention militaire directe, il a formé des rebelles pour garantir leur avancée sur le terrain", leur fournissant notamment des missiles antichar et du carburant.
Une stratégie militaire qui s'est doublée d'un soutien économique, mais également d'un appui médiatique, par le biais de la chaîne Al-Jazira, fondée à Doha en novembre 1996 grâce à des fonds du royaume qatari
"La chaîne Al-Jazira a pris le parti de se focaliser sur les manifestations libyennes pour montrer le fort malaise. Elle a exprimé une posture que le gouvernement ne voyait pas d'un mauvais œil", commente Barah Mikaïl, qui estime que "l'agenda d'Al-Jazira est greffé sur l'orientation du gouvernement"
C'est également au Qatar que s'est installée la chaîne de télévision Libya Al-Ahrar, fondée par les rebelles libyens et financée en partie par le royaume.
UNE STRATÉGIE PAYANTE
L'affaire libyenne lui a permis de consolider ses liens diplomatiques et militaires avec les puissances occidentales dont il est un allié proche
Le royaume accueille, en effet, le centre des opérations aériennes américain ainsi que l'Etat-major avancé du Centcom et dispose d'armements à 80 % français
Et, sur le plan régional, "le Qatar a réussi le pari de s'afficher comme l'accompagnateur des changements dans le monde arabe, en défendant des principes nobles tout en doublant son action d'une consécration diplomatique et du renforcement de ses propres intérêts", résume Barah Mikaïl.
Car ses intérêts sont avant tout diplomatiques. "L'objectif du Qatar est depromouvoir le pays et de prendre un rôle plus actif dans le système international, notamment en Afrique du Nord car avec la chute du regime de Hosni Moubarak en Egypte, le pays ne peut plus jouer son rôle de leadership dans le monde arabe et le Qatar entend jouer ce rôle", analyse Ibrahim Sharqieh.
Une ambition diplomatique qui doit beaucoup à son positionnement géographique, entre les deux ennemis traditionnels que sont l'Arabie saoudite et l'Iran
"Le Qatar a besoin de se protéger car leurs relations peuvent connaître à tout moment une escalade et affecter le Qatar", analyse Ibrahim Sharqieh
Jusqu'à présent, la petite pétromonarchie a réussi à maintenir de bonnes relations avec les deux géants et àjouer le rôle de médiateur, non sans quelques tensions. 
Notamment avec l'Arabie saoudite. Selon Barah Mikaïl"depuis 15 ans, le Qatar a l'ambition a minima decompter au rang de l'Arabie saoudite sur la plan diplomatique". Or, "en se promouvant sur le plan régional, le Qatar exerce une compétition de facto avec l'Arabie saoudite", estime Ibrahim Sharqieh.
Mais, la dynastie des Al-Thani a également quelques ambitions économiques, notamment dans le secteur pétrolier où la Libye est un producteur majeur
"En fournissant du carburant aux rebelles, les Qataris ont fait savoir qu'ils détenaient un savoir-faire pétrolier à mettre à disposition des Libyens. Peu de pétrole est exploité en Libye : le Qatar s'est donc mis en posture de médiateur pour écouler le pétrole libyen", analyse Barah Mikaïl. 
Le Qatar se positionne ainsi pour la période de reconstruction, faisant valoir ses atouts et boostant ses perspectives. En offrant 400 millions de dollars aux Libyens lors de la réunion du groupe de contact sur la Libye, le 5 mai, le Qatar attend certainement un retour sur investissement, estime M. Mikaïl.
 Il pourrait en effet bénéficier de la reconstruction du pays pour s'imposerdans l'exploitation du pétrole et du gaz libyens, mais aussi renforcer ses positions en Afrique.

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