Nicolas Sarkozy a perdu la bataille du triple A, la note souveraine de la France dégradée vendredi d'un cran par l'agence Standard & Poor's, un handicap de plus sur le chemin d'une éventuelle réélection le 6 mai.
Le président français a brandi des mois durant comme un épouvantail le spectre de cette dégradation, qui a permis à la France d'emprunter à relativement bon compte sur les marchés. Il a longtemps fait de sa préservation une ardente obligation.
Mais la perspective de la perte du précieux sésame se confirmant au fil des semaines, les dirigeants français ont changé de ton fin 2011 et se sont attachés à préparer l'opinion en affirmant que ce ne serait pas un cataclysme.
"Je ne sous-estime pas les conséquences que peuvent avoir sur notre économie les agences de notation et les emballements des marchés financiers", déclarait Nicolas Sarkozy dans ses voeux aux Français, le 31 décembre.
"Mais je le dis pour que chacun l'entende : ce ne sont ni les marchés ni les agences qui feront la politique de la France."
Le ministre de l'Economie, François Baroin, a maintenu vendredi soir cette ligne de défense et assuré sur France 2 que la perte du triple A français n'était pas une "catastrophe".
Il a insisté sur le caractère collectif du jugement de S&P, qui concernerait d'autres pays de la zone euro.
"Ça ne fait que conforter et confirmer ce que nous souhaitons, c'est-à-dire stabiliser la zone euro dans sa gouvernance", a-t-il déclaré.
Le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, avait auparavant dit sur Canal + que la question n'était pas celle de l'économie française mais de la "responsabilité de tous les acteurs de la zone euro".
Le coup est cependant d'autant plus dur que l'Allemagne conserverait la note maximum, consacrant ainsi le décrochage de la France par rapport à son principal partenaire.
CLIMAT ANXIOGÈNE
Sur un plan technique, les marchés financiers avaient déjà largement anticipé la dégradation de la note française, si l'on en juge par l'écart des taux des obligations d'Etat françaises et allemandes sur les marchés, estiment les économistes.
Sur le plan politique, la perte du triple A est un coup porté à l'image de "protecteur des Français" que Nicolas Sarkozy s'efforce de faire passer dans l'opinion.
"Le triple A n'est pas la préoccupation première de tout un chacun et il y a un an on ignorait son existence", souligne le président de l'institut Viavoice, François Miquet-Marty.
"En revanche, ça contribue à un climat général d'inquiétude et de pessimisme sur l'avenir de la France et, au fond, ça joue sur la crédibilité de Nicolas Sarkozy", ajoute-t-il.
Pour cet analyste, il n'est cependant pas certain que cela profite mécaniquement à la gauche et en particulier au candidat socialiste, François Hollande.
Un avis partagé par le politologue Dominique Reynié, pour qui la décision de S&P met en réalité les principaux candidats à la présidentielle en difficulté et risque de favoriser des "candidats populistes" comme celui du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, ou la présidente du Front national, Marine Le Pen.
Pour lui, Nicolas Sarkozy va certes devoir "s'expliquer sur comment on en est arrivé là", et ses adversaires ne manqueront pas de mettre en cause sa responsabilité.
La dégradation de la note de la France a déclenché un déluge de réactions avant même son officialisation, avec une dominante dans l'opposition : haro sur Nicolas Sarkozy.
Le président et candidat du MoDem, François Bayrou, a ainsi estimé que cette dégradation signait l'échec de la stratégie de Nicolas Sarkozy en substance, "avec moi on garde le triple A avec les autres on le perd."
Mais pour Dominique Reynié, "on sous-estime la façon dont l'ensemble des joueurs sera affecté".
"La perte du triple A va resserrer la possibilité de faire des propositions qui auront pour effet d'accroître les dépenses publiques", explique-t-il.
"La campagne présidentielle sera placée sous le signe de la rigueur."
"François Hollande devra faire une campagne de gauche dans une France plus que jamais sous surveillance, un exercice très compliqué alors qu'il est déjà très prudent, avec sur sa gauche Jean-Luc Mélenchon, que ça n'arrêtera pas", ajoute-t-il.
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