jeudi 12 janvier 2012

Fumer et faire du sport, ça craint vraiment ?

                                                                                         


En décembre dernier, l'attaquant de Manchester City, Mario Balotelli s'est fait photographier une cigarette à la main. Un peu gênant pour un footballeur de haut niveau, même si son entraîneur, l'Italien Roberto Mancini, ne lui en a pas tenu rigueur (il a d'autres raisons de lui en vouloir) :

« Je lui ai dit que ce serait mieux de ne pas fumer. Mais il y a des footballeurs qui fument en Italie et ici aussi [en Angleterre, ndlr]. Je ne pense pas qu'il en fume beaucoup  cinq ou six par jour  mais je lui ai dit d'arrêter. »

« Le tabac incompatible avec le sport de compétition »


Le cardiologue Kamel Abdennbi, co-auteur du livre « Arrêt du tabac », fait preuve de beaucoup moins de mansuétude :
« Le tabac est tout simplement incompatible avec le sport de compétition puisqu'en plus de la santé, il altère la performance. »
Au sujet du sportif du dimanche qui fume, il est presque aussi catégorique :
« Il peut faire de l'exercice mais la cigarette compliquera tout. Il s'expose, au-delà de l'essoufflement et de la fatigue, à des accidents cardio-vasculaires, qu'il soit petit ou gros fumeur. »

Moins de souffle, plus de fatigue et de crampes


En 2002, le CFES (Comité français d'éducation de la santé) et l'Assurance maladie ont publié une étude, « Le sport nouvel allié contre le tabac »
Dans le rapport, un rappel des dangers à concilier cigarette et exercice physique :
  • La nicotine entraine une augmentation de la fréquence cardiaque, ainsi que de la consommation d'oxygène par le coeur ;
  • le monoxyde de carbone, inhalé en fumant, prend la place de l'oxygène dans les globules rouges et dans le muscles, entraînant l'hypoxieun déficit d'oxygène au sein de l'organisme.
Les conséquences :
  • Essouflement plus rapide au repos et surtout pendant l'effort, où le rythme cardiaque du fumeur est plus élevé qu'un non-fumeur ;
  • la fatigue survient plus vite, la récupération est moins bonne ;
  • les muscles pâtissent du manque d'oxygénation. Les douleurs et les crampes deviennent alors plus fréquentes ;
  • plus de risques d'infarctus pour les plus de 40 ans soumis à un exercice physique intense.

« La cigarette m'a écarté du sport presque naturellement »


Fréderic, 25 ans, fume un paquet par jour depuis deux ans. Pour lui, « plutôt bon footballeur » qui avait l'habitude de s'entraîner deux fois par semaine et tenir sans problème 90 minutes le dimanche, la question du sport ne se pose plus :
« La cigarette m'a écarté du sport presque naturellement. A l'entraînement, tu ne peux plus suivre les autres à partir d'un moment. Tu baisses les bras. Le lendemain matin, après un gros effort, je crachais comme un malade. »
Le jeune homme sourit :
« Je ne sais pas comment Johan Cruijff [ex-joueur néerlandais, élu trois fois Ballon d'or entre 1971 et 1974, et réputé gros fumeur, ndlr] a fait. Il doit être extraterrestre. »

Eviter de fumer 1h avant et après un effort


Cruijff, Wayne Rooney, mais aussi Laurent Blanc, Fabien Barthez ou encore William Gallas
Ces footballeurs, parmi d'autres sportifs, se sont faits « griller » une clope à la main. Ce qui ne les a pas empêchés de faire de très belles carrières.
Kamel Abdennbi nuance :
« Barthez ? Il n'a pas l'air dépendant à la nicotine. Cruijff ? Sans la cigarette, il aurait largement fait plus. Et il l'a payé cher ensuite ( il a été opéré du coeur en 1991, ndlr). »
Il insiste sur la différence entre sports collectifs et individuels :
« Dans une équipe, les autres peuvent compenser vos lacunes. Quand vous êtes seul  un marathonien par exemple  la donne est radicalement différente car le coureur ne peut compter que sur son corps. »
Pour ceux qui persistent à allier sport et tabac, il prodigue le conseil du moins pire :
« Pour éviter les troubles de fréquence cardiaque et les risques qui s'en suivent, il faut surtout éviter de fumer 1h avant et/ou après l'effort. Ce sont les cigarettes les plus dévastatrices. »

La clope, une récompense


Jean-Jacques Menuet, médecin du sport, côtoie dans son cabinet des sportifs fumeurs de tout niveau. S'il énumère d'emblée les dangers de la cigarette  « une bombe à retardement »  il ne blâme pas celui qui, après une compétition, fume une cigarette :
« C'est une récompense pour faire retomber le stress, pour se détendre. Je ne parle pas d'un paquet fumé dans la nuit. Je parle seulement d'une cigarette. »
Un avis que ne partage pas Pierre Bazin, préparateur physique au club de foot du FC Tours (Ligue 2) :
« Après un match, le corps est en état de “stress” et le rend particulièrement vulnérable à toutes formes d'agressions. Fumer entraîne une multitude de réactions qui limitent les mécanismes de récupération. »

Faire du sport pour arrêter de fumer


Assis sur le capot de sa voiture, Harry, la vingtaine, boxeur à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) et fumeur occasionnel (5 cigarettes par semaine), regrette les approches trop médicales sur la problématique du tabac dans le sport :
« Limite ils te disent que tu dois d'abord t'arrêter de fumer pour faire du sport et t'encouragent à détériorer ton corps encore plus en te disant de pas pratiquer de sport quand tu fumes. Moi, je connais des gars qui continuent d'assurer en fumant. »
L'étude du CNES et de l'assurance maladie prône le sport comme moyen efficace pour arrêter le tabac. Pour sa faculté à motiver et à aider à supporter le manque. Jean-Jacques Menuet confirme :
« Le tabac remplit une case. Si on la vide, il faut la remplir par quelque chose d'autre pour éviter un déséquilibre. Le sport est quelque chose de sain donc ça ne peut-être que bénéfique. »

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