«Le soir, dans le lit, je me cadenasse dans un pyjama bien couvrant pour désamorcer toutes les tentatives de rapprochement de Laurent. » Léa a 40 ans, et trois enfants. Elle est mariée depuis onze ans. Et n’a plus envie de faire l’amour avec son époux. Elle n’est pas la seule. Dans son cabinet de la région parisienne, la sexologue Ghislaine Paris voit défiler des femmes de tous âges. Pour la plupart d’entre elles, remarque-t-elle, « le désir sexuel n’a pas disparu, il est le plus souvent endormi ».
Travail, enfants, corvées domestiques mobilisent leur attention et les détournent de leur compagnon. L’énergie focalisée sur lui dans les premiers temps de l’histoire s’est diluée dans les tâches du quotidien. Au début, nous consacrons et accordons beaucoup d’importance à l’autre alors que cela n’est pas nécessaire : la flamme brûle sans effort. Puis le temps passe. « Le virage de la passion vers la relation se négocie mal, et c’est l’une des causes principales de consultation chez moi : elle concerne sept couples sur dix, rapporte Ghislaine Paris.
Chacun s’attend à ce que le désir perdure. Il ne pense pas devoir l’alimenter : “Puisque j’aime, je dois avoir envie. C’est naturel. C’était là au début, pourquoi cela ne continue pas ?” » Certains en viennent même à douter de leur amour et de la solidité de leur relation. Pourtant, sexologues, thérapeutes,psychologues et psychanalystes soulignent combien le désir ne va pas de soi, particulièrement chez les femmes : pour le faire émerger, il faut qu’elles soient disponibles, détendues, réceptives à la sexualité.
Ce n’est pas qu’elles s’intéressent moins au sujet. Simplement, au fil des années, leur envie a besoin de plus de temps et d’investissement pour se déployer qu’au début. Elle se trouve d’ailleurs aisément fragilisée.
Travail, enfants, corvées domestiques mobilisent leur attention et les détournent de leur compagnon. L’énergie focalisée sur lui dans les premiers temps de l’histoire s’est diluée dans les tâches du quotidien. Au début, nous consacrons et accordons beaucoup d’importance à l’autre alors que cela n’est pas nécessaire : la flamme brûle sans effort. Puis le temps passe. « Le virage de la passion vers la relation se négocie mal, et c’est l’une des causes principales de consultation chez moi : elle concerne sept couples sur dix, rapporte Ghislaine Paris.
Chacun s’attend à ce que le désir perdure. Il ne pense pas devoir l’alimenter : “Puisque j’aime, je dois avoir envie. C’est naturel. C’était là au début, pourquoi cela ne continue pas ?” » Certains en viennent même à douter de leur amour et de la solidité de leur relation. Pourtant, sexologues, thérapeutes,psychologues et psychanalystes soulignent combien le désir ne va pas de soi, particulièrement chez les femmes : pour le faire émerger, il faut qu’elles soient disponibles, détendues, réceptives à la sexualité.
Ce n’est pas qu’elles s’intéressent moins au sujet. Simplement, au fil des années, leur envie a besoin de plus de temps et d’investissement pour se déployer qu’au début. Elle se trouve d’ailleurs aisément fragilisée.
Je ne supporte pas son regard
« Quand je m’observe dans la glace, je ne me trouve vraiment pas appétissante, confie Marie, 39 ans. J’appréhende le regard de Quentin et je ne supporte pas qu’il me voie nue. Le sexe est devenu synonyme de devoir conjugal. »Pour qu’une femme puisse désirer, il lui faut séduire l’autre, mais aussi et surtout se séduire. Rien à voir avec le respect de canons esthétiques. Nous pouvons nous trouver belle mais non désirable, et inversement, désirable sans être magnifique. Miroir, mon beau miroir : le désir féminin serait avant tout sensible à la réflexion, celle de son image intime, mais aussi celle que renvoie l’autre.
Célibataire endurcie, Bérénice, 36 ans, médecin, a été subjuguée par un homme : « Il était venu en consultation. Quelque chose s’est passé dès qu’il est entré dans mon cabinet. C’était tellement évident que, au moment de nous séparer, nous avons convenu d’un rendez-vous.
Nous nous sommes retrouvés dans un café quelques jours plus tard, mais je ne sais pas ce qu’il s’est passé, je n’ai plus supporté qu’il me regarde. Il était menaçant. Je suis devenue glaciale, et me suis sauvée sans même payer mon café. » Une profonde angoisse l’a paralysée. Elle a préféré fuir plutôt que d’avoir à supporter d’éventuelles réponses à des interrogations perturbatrices : que se serait-il passé s’ils s’étaient vraiment plu ?
L’aurait-il « consommée », utilisée pour jouir ? L’aurait-il laissée tomber ? « Beaucoup de femmes ont peur du désir des hommes, analyse Ghislaine Paris. Il faudrait qu’elles arrivent à se dire : “Je ne crains rien, cela me fait du bien.” »
Froid et sec comme un robot
Et les hommes, alors ? Eux non plus, ils n’ont parfois plus envie, soutiennent les thérapeutes, qui ont remarqué une augmentation notable de leur clientèle masculine. Leurs cas sont « beaucoup plus difficiles à traiter », reconnaît Ghislaine Paris.Surtout quand ils n’éprouvent aucune difficulté dans leurs érections ni dans leurs rapports sexuels. François, 42 ans, trader, un enfant, sort d’un divorce. Depuis un an, il accumule les rencontres sans être attiré sexuellement par ses partenaires : « Je cherche à rompre avec ma solitude, mais je me sens de plus en plus seul malgré mes aventures. Je ne ressens plus rien, je reste sec et froid comme un robot. »
Le désir ne se réduit pas à un assouvissement de besoins sexuels. C’est une énergie qui nous porte vers l’autre, vers une de ses particularités qui nous fait chavirer et qui nous fait rêver que nos manques seront satisfaits. « Pour tenter de combler le vide qu’il ressent ponctuellement au fond de lui, un être équilibré a soif de découverte de l’autre, et sa libido le pousse vers quelqu’un de différent de lui, assure la psychanalyste et sexothérapeute Catherine Blanc. C’est un élan intérieur. »
Si notre désir est menacé d’extinction, c’est aussi parce que « nous vivons dans un monde où les pouvoirs en place essayent de nous faire croire qu’il existe des produits susceptibles de répondre à toutes nos envies, y compris intimes », explique le psychanalyste Patrick Lambouley.
Les supermarchés « érotiques », les sites de rencontres qui nous proposent de cocher des cases pour déterminer notre type idéal, les pilules antipannes nous donnent l’illusion de pouvoir tout régler. Le psychanalyste Jacques Lacan parlait de « pluie d’objets ». Nous n’avons plus envie parce que nous pensons que tout peut s’obtenir.