Décidément, la justice américaine ne fonctionne pas comme la nôtre. A ceux que les images d'un DSK apparaissant menotté devant les caméras choquèrent, on ne saurait trop déconseiller les images du procès de Conrad Murray, le médecin de Michael Jackson, qui s'est ouvert ce mardi 27 septembre à Los Angeles.
Le juge Michael Pastor a en effet autorisé sa retransmission télévisée et sur Internet, faisant ainsi entrer le monde entier dans la salle d'audience dans un exercice de voyeurisme terriblement exotique.
La seule restriction imposée par le juge ? Ne pas montrer le visage des jurés cinq femmes et sept hommes, qui ne doivent pas discuter ou se renseigner sur l'affaire, "ni sur Internet, Google, par téléphone ou Twitter".
Mission impossible ? Aux Etats-Unis, la chaîne câblée Headline News (HLN), affiliée à CNN, diffuse les débats en continu et en direct.
Et chacun de nous peut suivre sur Internet ce qui s'annonce déjà comme le procès le plus sensationnel depuis celui du footballeur O.J. Simpson, accusé de meurtre et acquitté en 1995.
Le docteur Conrad Murray, praticien afro-américain de 58 ans, est accusé d'avoir administré une perfusion fatale de Propofol (un sédatif puissant, normalement réservé aux procédures chirurgicales en milieu hospitalier) au chanteur insomniaque aux côtés duquel il était présent le jour de sa mort, le 25 juin 2009.
Faites entrer l'accusé ! Confortablement installés devant le téléviseur du salon, nous voici donc conviés aujourd'hui à jouer le treizième juré.
Sur les bancs du public, on reconnaît la famille du chanteur (ses parents, ses frères et ses soeurs).
Premier jour du procès : les plaidoiries annoncent comme il est d'usage les grandes lignes stratégiques de l'accusation et de la défense, en présence de l'inculpé, affecté et essuyant une larme quand le procureur l'accuse d'"avidité".
Par la grâce des nouvelles technologies, rien ne nous est épargné. Ni les révélations sur les habitudes médicamenteuses de la star, ni le contenu de son estomac révélé par l'autopsie.
Le procès du médecin s'annonce comme une formation intensive en pharmacopée, et une étude sociale approfondie des relations complexes entre un client riche et drogué qui voulait à tout prix réussir son "come-back" et son réseau de médecins, peut-être trop complaisants.
Pour le procureur, le médecin a "abandonné" son patient, en quittant la chambre après lui avoir administré 25 milligrammes de Propofol.
L'accusation souligne que le docteur a caché aux secouristes appelés sur place et aux urgentistes de l'hôpital qu'il avait administré cette substance.
Comme pièce à conviction de sa négligence : un enregistrement réalisé par le médecin sur son propre téléphone, le 10 mai 2009, où Jackson a une voix grave, comateuse.
La vérité est dans la science
L'avocat principal du médecin, Ed Chernoff, affirme, lui, que son client "n'est pas parfait, mais n'est pas coupable", après avoir soutenu que Jackson, frustré de ne pas pouvoir dormir, s'est administré une dose supplémentaire de Propofol à l'insu du médecin.
Et qu'un autre docteur, Arnold Klein, chirurgien esthétique et dermatologue que Jackson consultait, lui donnait des injections de Demerol, un antalgique dont la privation aurait aggravé ses problèmes d'insomnie. "La vérité est dans la science", a-t-il martelé.
On aura enfin essuyé une larme lorsque le premier témoin de l'accusation appelé à la barre (on ne sait si ce sont ses yeux baissés ou le mur marron de la salle d'audience qui lui donnent l'air triste), le chorégraphe Kenny Ortega, proche de Michael Jackson, qui était venu raconter comment il s'était inquiété, six jours avant la mort du chanteur, de l'avoir vu "tremblant, faible, fatigué, incohérent", s'est fait rabrouer par le médecin.